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Êtr'ange en'vie
Êtr'ange en'vie
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2 octobre 2008

Pour Lilian, Sylvain, David, Léa et Kenan

Par où commencer...

Tout d'abord, j'ai suivi tes instructions, j'ai mis en route mon lecteur, quelle musique choisir ?... Une musique un peu décalée de préférence, qui me fasse penser à toi surtout, et qui me fasse voyager par la même occasion... Tiens, les Cowboys Fringants, ça paraît coller... « Si je m'arrête un instant pour te parler de ma vie, juste comme ça tranquillement... », oui, c'est ça qu'il me faut : « Si je m'arrête un instant pour te parler de la vie, je constate que bien souvent on choisit pas mais on subit et que les rêves des p'tits Gus s'évanouissent ou se refoulent dans cette réalité crue qui nous embarque dans le moule... ». Toi, tu ne t'es pas laissé embarqué et j'imagine qu'on est beaucoup à te lire et à t'envier quelque part d'avoir bifurqué vers cette route, longue et dont les panneaux sont essentiellement des  points d'interrogation dans des langues incompréhensibles, mais tellement pleine de surprise et tellement loin de ce moule qui te dit « sois chercheur, sois ingénieur, sois journaliste, fais des études, prends ton métro blindé... ». Je dois te dire que lire tes mails me font très chaud au coeur mais qu'ils me rappellent aussi combien je suis enfermée dans ce moule...

J'ai pu tremper mes lèvres dans ce bouillon de points d'interrogation cet été, bien sûr, Sylvain, David, Kenan et Léa étaient de la partie, on s'est abandonné aux Alpes Françaises et Suisses pour une dizaine de jours, avec comme pneus uniquement nos pieds (quoi que les ampoules pouvaient faire office de chambre à air pour Léa et moi) et comme coffres nos énormes sac à dos (une grosse vingtaine de kilos pour Sylvain et David, un grosse quinzaine pour Kénan, une dizaine pour Léa et une petite dizaine pour moi, faut pas déconner non plus, je suis une petite nature malgré moi...).

Notre point de départ était Genève, en forme tous les cinq (sauf Kenan qui sortait d'une rhinopharyngite si je me souviens bien), bien nourris, propres, sans odeur particulière (sauf les deux camemberts dans le sac de David), et bien sûr d'une motivation inégalable ! La première journée a été bien tranquille, bateau sur le lac Léman pour se rapprocher des montagnes, rencontre avec une petite vieille très enthousiaste quand on lui dit que notre objectif est Aoste et qu'elle y serait le lendemain et qu'elle espère vraiment nous y voir... Aoste, c'était pas avant 10 jours... Bref, on a  campé le premier soir pas loin du lac Léman, on s'était déjà bien rapproché des montagnes mais c'était toujours plat... L'impatience montait.

Le lendemain, c'était pour nous LE grand départ, seulement à cause d'une idée farfelue de plusieurs d'entre nous ( je ne saurais plus qui, ni même si j'y avais adhéré), et d'un petit manque de communication du, je n'en doute pas, à l'excitation, on a fait un détour de deux heures de marche... Un peu long, on s'est retardé pour rien. Après ce détour on a attaqué les vallons, enfin le début de la montagne, même si c'était plutôt des collines... On a campé à coté d'une chapelle, dont le préau nous a donné un asile merveilleux quand un gros orage nous a attaqué ! Finalement, ce grand départ, malgré la difficulté de la journée, n'en était pas un : on était toujours pas en « vraie » montagne...

Troisième jour, on a découvert la VRAIE montagne... Et bien, la vraie montagne, c'est vraiment raide, et c'est vraiment fatiguant, et ça fait suer, puer et naître des ampoules... Mais qu'est-ce que c'est beau... C'était finalement le début de notre aventure montagnarde, loin de tout homme autre qu'un berger, loin de tout autre bruit autre que les oiseaux, le vent et parfois même le vrai silence, loin de tout autre vision que la nature dans ses vrais droits... La soirée a été un peu mouvementée : on s'était installé dans le champ-lit des vaches... Elles aimaient pas nos tentes... Après de nombreuses courses-poursuites et  de « YIPIYIPIYEP !!! » pour les faire fuir, en vain, elles se sont couchées à côté de nos tentes. Ce soir, là, j'ai pas voulu dormir sur la côté de la tente, j'avoue que j'avais un peu peur qu'elles m'écrasent dans la nuit. Nuit qui fut courte d'ailleurs, parce qu'une vache quand ça dort, ça continue de ruminer, et ça continue de bouger la tête, donc leur grosses cloches nous on fait une berceuse assez sonore toute la nuit...

La journée suivante a été beaucoup plus courte, un peu fatigués, on s'est arrêté assez rapidement. On a trouvé un coin où poser nos tentes, pas loin d'un refuge où on a pu boire un peu d'alcool... ça fait du bien mine de rien... Après ce petit remontant et confort d'une table, on est repartit à nos tentes où on a prit une douche assez mémorable... C'est sympa les orages en montagne...

Matin du cinquième jour : Kénan ne peut pas se lever, cloué par une gastro, il n'avait pas dormi de la nuit... Départ avec David et Léa pour un village pour trouver un bus qui nous amènerait à la prochaine étape : Avoriaz. Sylvain et Kenan nous ont rejoint un peu plus tard, tant bien que mal, Kenan avait retrouvé un peu de force grâce à ses merveilleux « Smecta », espèce de plâtre pour estomac et autres viscères qu'il n'a pas du oublier... Tu lui en demanderas des nouvelles.

Arrivée à Avoriaz : un conseil, pour tout ceux qui me lisent : n'y allez jamais, mais alors jamais, il n'y a pas d'endroit plus moche et déprimant en montagne... Petite déprime collective : ne voulant pas y rester on a continué vers un lac indiqué sur la carte, lac encore plus moche qu'Avoriaz, et RE-déprime collective. La nuit nous a enlevé sa vue, ça allait mieux après...

Sixième jour, objectif : la frontière suisse. Montée de col, descente, montée de col, redescente, remontée de col et puis une crête, une crête frontière où je suis retournée en enfance : mon coté droit était en France, mon coté gauche en suisse, si je me retournai, c'était l'inverse, génial non ?

Le septième jour a été de loin le plus difficile de toute l'aventure, d'atroces brûlures d'estomac me ralentissaient, alors que nous avions devant nous sept heures de marche de haute montagne. Craquage assez violent au bout d'une heure et demi : marre des pâtes, riz et semoule midi et soir, manque de fruits, de viande et finalement de nourriture saine, marre de la crasse et des pieds qui puent, marre de l'effort qui fait pleurer... Sylvain et Léa en ont fait les frais et je m'en excuse encore s'ils me lisent, ils ont été patients et m'ont remotivée : de toute manière, le demi-tour était impossible, il fallait continuer... Nous étions à 500m d'altitude, l'objectif était à 2500m... Montée très très laborieuse jusqu'à un refuge qui devait être à 2100m. Pause nourriture et dafalgan pour moi, la fièvre m'accompagnait depuis près d'une heure. D'ailleurs un grand merci à Léa qui m'a aidé a avalé cet affreux comprimé qui ne voulait pas passer... Je passe. Je décide de partir seule 15 minutes avant eux vers les 2500m pour le pas les retarder. Un miracle s'est produit : j'ai trouvé le foutu « second souffle » de Sylvain, qui permet de gravir des col sans s'essouffler. Au lieu d'une heure indiquée sue les panneaux, je l'ai fait en 35 min, très très fière de moi, le sourire m'avait retrouvée, la fièvre m'avait quittée, et par contre les brûlures étaient toujours là...  Une fois là haut, un vent de près de 90 km/h me poussait vers la pente, j'ai donc franchi le col à quatre pattes : j'avais trop peur de m'envoler... Après que Kenan, David, Sylvain et Léa m'aient rejoint, descente d'une heure où on a vu quelques chamois qui nous regardaient comme nous les regardions et quelques marmottes qui elles par contre ne nous ont pas vu...

Au soir du huitième jour, les grands-parents suisses de David nous ont accueillis : on a pu manger autre chose que nos féculents habituels : une délicieuse fondue à la tomate, on a pu prendre des douches et se laver les cheveux (que j'ai coupé la semaine dernière d'ailleurs, il n'y a pas plus triste que moi aujourd'hui... Je passe), et surtout, surtout, on a dormi dans des lits, avec des vrais oreillers, des vrais matelas et une vraie couette !  Et j'ai fait un vrai gros dodo !

On était tellement bien qu'on y est resté une nuit de plus...
Le jour suivant : départ pour Aoste, à nous l'Italie, les bonnes pâtes et pizzas et surtout le « tiramisu » pour Léa. Une nuit à Aoste et c'était la fin de ce voyage pour moi, je les ai laissé continuer vers le Sud de la France pour aller voir ma grande soeur, mais ça c'est une autre histoire... Léa, Kenan et David ont continué vers un écovillage, et Sylvain est repartit dans son bled pour repartir à nouveau dans les Alpes pour un stage de snow... Ils t'en parleront mieux que moi...

J'en viens à la fin de mon histoire, je tapote sur mon clavier pleine de nostalgie, par la fenêtre, il n'y a que du béton... La nature me manque, ce bouillon me manque...

Une expérience humaine et physique que je souhaite à tout Homme, parce que finalement ce qui nous entoure est loin d'être aussi puissant que la Montagne, et qu'on a tous besoin de savoir jusqu'où on peut aller et ce que l'on peut supporter : ce sont les environnements extrêmes qui nous apprennent réellement qui nous sommes et ce que nous voulons pour notre vie... On a pu rencontré quelques bergers habitant au plus profond de la montagne et je dois dire que cette vie m'attire beaucoup plus qu'une vie de chercheure en ville et en stress, sédentaire et tellement théorique...

Je t'encourage et te prie même de continuer Lilian... Ne t'arrêtes pas... Mais je te fais confiance, je sais que ce ne sont pas ces quelques mots qui te feront continuer...

 

Où que tu sois, je t'embrasse bien fort... Quant à moi, je continue ma vie parisienne, théorique et stressante, où les choix que je peux faire sont rarement les bons, et que, contrairement à toi, grand sage que tu es (ou fou je ne sais pas trop, finalement, les deux sont reliés), j'ai du mal à accepter...

Profite bien de ton voyage sans retour prévu, et continue de nous le raconter, c'est un brin d'herbe au milieu de Paris, c'est un rayon de soleil qui perce notre dôme gris...

Alizée.

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